1-1-e1669908198824-png

Contraction. La toute nouvelle lettre portugaise par Alice Neto de Sousa

Certains mots sont des contractions,
ils sortent chauds, douloureux.
Je les écris dans l’espoir de guérir quelques contusions,
quelques blessures.

Les comprendre et vouloir expliquer
c’est entrer dans une hernie prolongée de la pensée.
C’est réaliser que les naissances de la liberté continuent de s’effondrer,
aujourd’hui.

J’ai contracté la pensée dans le désir de remonter le temps,
et dire que les mains qui tissent la liberté sont plus,
nous sommes plus,
femmes,
et qu’ici la fraternité continue
au-delà des émissions de télévision,
que nous combattons aujourd’hui,
pour les mêmes raisons.

J’ai pensé à dire tous les mots qui étaient interdits avant,
censuré,
à présent,
donc tout de suite,
dans une sorte de spasme,
dans la voie de l’éjaculation précoce,
souffert,
parce que les douleurs se combinent encore
et communient dans d’autres corps,
chaste, féconder, libérer.
« Je suis une femme »

C’était la première contraction post-partum,
quand souillé je me suis vu dans de nouvelles eaux qui
coulait,
dans une prise de conscience tardive et distraite de grandir,
parce que maintenant c’était une femme,
ils ont dit,
en dehors des contraintes et des dysmorphies corporelles,
sexuel,
que, les seins pas pleins, je passais encore inaperçu,
mais elle était là, femme adulte,
prêt,
aux yeux de qui veut voir,
prêt,
pour générer une vie.

Mais il fallait se préparer aux vergetures,
marques de césarienne,
de ce qu’ils nous prennent, dans l’incompatibilité de la gestation
un enfant, une carrière ou un rêve,
vous devez choisir, s’il existe une telle option.

Contraction.

En deux mille vingt-deux, quelque part arrêté dans le temps
on dit à une femme que sa jupe est courte,
est sifflé dans un coin par un clivage
et si les pyropes donnent une amende
aucun cas ne m’est venu,
sans blâmer le provocateur
que de tels vêtements à porter ont osé.
Les femmes considérées comme des « vases de réception »,
où la graine est plantée
lire quelque part dans le mémorial.
Mais les graines qu’ils ont semées
Au total, ils ont pris
aux mathématiques longues des (in)égalités
auquel on ajoute les rétractions et les soustractions
des droits qui tombent par terre
dans certaines situations
incertain, guerre,
ces comptes, quelle que soit leur durée,
s’étendra.

En parlant d’extension,
quand les tabliers sont-ils relâchés ?
La fin des rôles sociaux ?
Des hommes qui aident à la vie domestique ?
Quand est-ce que la vidange est prévue ?
La fin des images de femmes sans bateaux ?
Mouillé de larmes féminines
qui coule sur ton visage,
et tomber dans le bassin, dans une humidité inappropriée,
Des monologues vaginaux.
Oui, les femmes sont perçues comme plus fragiles,
Comme les filles »
Sujet aux convulsions éternelles,
de sentiments,
et une femme forte
peut aussi : pleurer, s’amuser et se battre,
avez-vous vu,
en même temps.

« Ma chérie, calme-toi »
Le calme de remarquer que même si je parle,
s’il y a un homme en conversation,
c’est là que la conversation gravite généralement,
ou lorsqu’ils apparaissent, involontairement,
expliquer derrière,
« Qu’est-ce qu’elle voulait dire »…

Contraction.

Et bien, avec ça, on pourrait penser
que dans tant de silences répétés
nous pourrions nous exprimer,
sans que personne ne nous interrompe,
sans avaler le noyau d’Adam,
d’avoir à expliquer qu’un non
signifie et continue de signifier,
ne pas.

Mais les situations perdurent.
Et peu importe à quel point les marques sont publiques,
les histoires semblent plus voilées, répétées,
« Ce qui vous est arrivé? »
« J’ai trébuché, je me suis cogné le visage,
à la porte,
tu sais comment ils sont
les portes. »

Contraction,
Contraction.

J’ai pensé dire tous les mots qui étaient interdits,/ censurés,/ maintenant,/ tous alors,/ dans une sorte de spasme,/ à la manière d’une éjaculation précoce,/ souffert

J’entends la voix de l’explosion gaspillée d’une femme
M’expliquant qu’il faut savoir à qui se donner,
au prix d’un dévouement incompréhensible.
Même après avoir senti un autre parfum,
Un rouge à lèvres sur le col,
Justifié dans les serpents qui secouent leurs hanches,
Qu’un homme ne trahit jamais,
tout seul.
Oh, et quand tu auras trente ans
et ce membre de la famille vient
demander
« Écoute, pourquoi n’es-tu pas marié ?
Tu t’es caché en faisant semblant d’essayer d’attraper un bouquet.

« Es tu toujours célibataire? »
« Est-ce que tu pleures encore ? »
« Doit être à cette période du mois »
« C’est un truc d’homme »
“Devrait donner du respect”
« Il faut se raser »
« Tu es sans soutien-gorge ? »
« Tu devrais couvrir ta poitrine. »

Contraction,
contraction,
contraction.

C’est un peu instable, celui d’une femme,
être une femme, et vouloir se faire une opinion,
c’est une chaise électrique,
feu de joie, voire… prison,
prison de garder dans l’utérus ce que nous avons à l’intérieur,
pour excréter le sentiment, hors de l’évier,
sans être accusé d’être malade,
fou, dans l’hystérie,
sans être traité de fou,
Pourquoi un poète est-il en liberté ?
laver le linge, sale
au sein d’un poème.

Et je t’assure,
Cette dernière contraction
avec quoi je laisse,
est le plus serein.

avoir l’intuition
que presque toutes les femmes
avoir une histoire comme ça à raconter,
Et que ces vers que je t’écris,
juste pour ça,
ils n’avaient même pas besoin de rimer.

Certains mots sont des contractions,
Je sais,
ils sortent chauds, douloureux.
Désolé d’être venu causer ces bleus,
Désolé d’être venu rouvrir ces plaies.

2022-04-17

Alice Neto de Sousa
28 ans
Né à Lisbonne et a des racines en Angola. Elle a fait sa première lecture publique en tant qu’étudiante du Master en Psychomotricité, dans un cours donné par l’écrivain Gonçalo M. Tavares. Début 2022, dans le programme Bienvenuede RTP África, s’est fait remarquer avec Poète, un texte sur un enfant qui se rend compte que le crayon qu’il s’apprête à utiliser s’appelle « couleur de peau ». Par la suite, dans le cadre des célébrations du 50e anniversaire du 25 avril, elle est invitée à écrire un poème (Mars) pour intégrer la capsule temporelle qui sera ouverte en 2074. Signe des poèmes pour le journal numérique message de Lisbonne et intègre également l’érudition des poètes et des diseurs de l’association culturelle A Palavra.

A LIRE ICI :
La nouvelle charte portugaise de Capicua – « Liberdade »
La nouvelle lettre portugaise de Filipa Martins – « Que faire de ces femmes ? »

A LIRE AUSSI :
Les écrivains courageux
Les nouvelles lettres portugaises, 50 ans après. Trois textes en exclusivité pour VISÃO d’Alice Neto de Sousa, Capicua et Filipa Martins

Articles récents