1-1-e1669908198824-png
25166882_wm-5840079-2694540-jpg

Les juges s’interrogent sur la crise de la justice et demandent des réformes au gouvernement

S’adressant à Lusa, le président de l’ASJP, Manuel Soares, regrette l’idée que « les années passent et les choses sont plus ou moins les mêmes » et va jusqu’à se demander si le gouvernement voit ou non une crise dans les tribunaux, critiquant le manque « d’énergie, d’action ou de projet » du ministère supervisé par Catarina Sarmento e Castro.

« Le problème, c’est qu’il semble que le pouvoir politique ne pense pas qu’il y ait une crise. Ou alors, en fait, la crise n’existe pas », ironise le dirigeant de l’ASJP, poursuivant son souhait pour la nouvelle année judiciaire : « Mon souhait était qu’il y ait un gouvernement à la majorité absolue et des conditions pour gouverner pour identifier les zones problématiques, parlez à ceux qui les connaissent et résolvez-les. S’il existe déjà, et je pense que c’est le cas, alors mon souhait est qu’il soit mis en œuvre ».

Manuel Soares admet que l’engagement du ministère de la Justice en faveur de la numérisation et de l’utilisation de l’intelligence artificielle, concrétisé par plus de 200 millions d’euros d’investissements, « est important », mais il souligne que cela ne résout pas les principaux problèmes dans ce domaine. Selon lui, les juridictions administratives et fiscales, les affaires pénales complexes de criminalité économique et financière, le coût de l’accès à la justice et les arbitrages sont en jeu.

« Il ne s’agit pas seulement d’examiner le problème technologique et de penser que nous allons résoudre tous les problèmes », dit-il. « Ce n’est pas de la science spatiale, il s’agit simplement d’introduire des changements dans la loi qui permettent de supprimer les obstacles qui existent et bloquent le système. Combien d’années faudra-t-il pour en parler ? », demande Manuel Soares, soulignant que les plus gros problèmes ont déjà été identifiés.

Confronté à l’existence de plusieurs affaires controversées l’année dernière traversant les domaines de la politique et de la justice, le chef de l’ASJP souligne qu’il est important de faire la distinction entre les affaires judiciaires et les questions éthiques, notant que « les gens n’ont pas besoin d’une loi pour savoir comment elle est-ce qu’ils doivent se comporter » et que certaines de ces situations n’ont aucune pertinence pénale.

« Ne poussez pas à la justice ce que la justice n’a pas à résoudre, car la justice ne peut pas résoudre les conflits de nature éthique et de comportement républicain dans l’exercice des fonctions publiques qui, bien souvent, n’ont pas à voir avec la violation de la loi, mais avec la violation des principes moraux et des bonnes mœurs que tout le monde était censé connaître », résume-t-il.

L’Association des juges portugais (AJP) a également exprimé à Lusa son inquiétude concernant le secteur dans l’antichambre d’une énième cérémonie d’ouverture de l’année judiciaire.

Tout en reconnaissant une évolution dans l’efficacité de l’administration de la justice, l’AJP soutient que celle-ci est due « uniquement et exclusivement au dévouement constant et au sens des responsabilités des hauts fonctionnaires et techniciens de justice, procureurs et magistrats judiciaires ».

L’institution présidée par la juge Paula Ferreira Pinto met également en garde contre la « dégradation des espaces physiques des tribunaux », ainsi que le « manque flagrant de ressources humaines » dû au manque de renouvellement des carrières. Sans manquer de pointer un manque de motivation « croissant » chez les professionnels, il lance aussi une mise en garde pour l’avenir proche du secteur.

« En gardant la situation actuelle, au vu de l’augmentation générale des contentieux liés aux périodes de crise économique et sociale comme celle que nous traversons, et sans conditions de travail élémentaires et décentes garanties, plus que probable, il est prévisible la perturbation de services de l’administration de la justice », conclut l’AJP.

La cérémonie d’ouverture de l’année judiciaire est prévue mardi, à 15h00, à la Cour suprême de justice (STJ), à Lisbonne, avec des interventions du président de la République, Marcelo Rebelo de Sousa, du ministre de la Justice, Catarina Sarmento e Castro, le président du STJ, Henrique Araújo, la procureure générale de la République, Lucília Gago, et la présidente de l’Ordre des avocats, Fernanda de Almeida Pinheiro.

JGO/IMA // ZO

Articles récents